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Blanche, les sept nains et moi

Dans cette pièce bizarre, qui ressemblait à une grotte, avec son plafond cabossé, il y avait un sapin qui éclairait le coin le plus sombre. Il scintillait de toutes ses branches. Étrange était la diversité des couleurs de la décoration. Pas vraiment un camaïeu, plutôt un mélange désorganisé mais chaleureux. Certaines boules clignotaient, alors que d’autres paraissaient ternes et perdues. L’étoile du sommet ressemblait à une comète mais en forme de boite prête à s’ouvrir. Emmitouflé dans un manteau de guirlandes multicolores, le sapin se desséchait lentement. Ses épines vert jauni lui donnaient une touche mélancolique. Au pied des buches qui le supportaient, reposaient des dizaines de touts petits cadeaux enveloppés de papier brillant, qui reflétait les lumières des guirlandes électriques. Ça et là collées aux murs dans une anarchie céleste, des étoiles de papier verni brillaient aux rythme des clignotants. Au milieu du plafond caché par le grand lustre de pampilles, une boite discrète, diffusait par moment de la neige fine et sèche. Les oreilles n’étaient pas en reste puisque une musique en sourdine égaillait les rares moments de silence. Entre la pénombre lumineuse et la douce chaleur qui régnait, on se sentait bien.

Blanche assise en bout de table présidait. C’était une artiste, comme disait mon grand-père d’une façon péjorative : artiste et bizarre, mais d’une beauté naturelle. Je fus ravi de la voir puis triste quand je constatai qu’elle m’ignorait. La table qu’elle avait décorée était plus encombrée que ce pauvre sapin surchargé. Quand elle se leva pour enclencher l’interrupteur, un peu de neige tomba de ses épaules. Les invités au nombre de sept furent éclairés flashés désintégrés par les lumières courant sur la table. Un véritable feu d’artifice. Un long sifflement satanique sorti de la boite étoile de l’arbre à ce moment-là en même temps qu’une pluie de confettis. C’est maintenant que Grincheux prit la parole pour se plaindre de la grande faim qui tenaillait son estomac. Alors que Farceur essayait de débrancher la rallonge électrique avec son pied. Quand je pris moi aussi la parole pour complimenter Blanche de ce merveilleux Noël nucléaire, je m’aperçus que ma barbe postiche se décollait. L’excellent champagne que j’avais renversé sur mes joues allait me jouer des tours. Blanche, en recollant tant bien que mal ma fausse barbe me chuchota d’une façon cavalière d’aller surveiller la cuisson des chamalos couleur fraise au gout de truffe. Le chat de la maison saupoudré de poussières phosphorescentes, profita de ma démarche incertaine pour passer entre mes jambes en miaulant. Quelques souris luisantes couraient dans tous les sens avec des bruits métalliques.

Nous avions mangé tous les mets savoureux qu’avait préparés la maitresse de maison. La cave à vin était vide et les nains gisaient à terre près du sapin. Leurs barbes factices trainaient çà et là, humides de boissons et salies de nourriture. Ronfleur ronflait comme à son habitude et Farceur riait dans son demi-coma. Le chat avait détruit toutes les souris à ressort et dormait profondément sans se soucier des faux nains. Deux convives qui avaient perdu leurs postiches, des filles, discutaient passionnément sur l’existence du père Noël dans des temps immémoriaux. Anne disait : mais enfin puisque on en parle à notre époque c’est que ça a existé il y a bien longtemps ! C’est comme pour Jésus Christ. Pia lui répondait que toutes ces croyances n’étaient en fait que des légendes car elle, ne croyait en rien. Mais enfin reprenait Anne il y a parfois des miracles qui arrivent dans la vie des gens. Tu ne peux pas le nier, donc c’est que quelque chose nous dépasse. Et la discussion s’étirait comme cela sans fin, dans les brumes de leurs esprits.

Toutes ces idées me paraissaient abstraites moi qui espérais un miracle. Aussi je pris la main de Blanche et l’entrainai hors de la pièce sans qu’elle oppose de résistance. Je redoutais sa réaction puisqu’elle m’avait battu froid lors de notre première rencontre. C’était Pia qui me l’avait présenté et ce jour-là son regard m’avait plutôt dérouté. Il y avait trois mois de cela, et je l’avais aimé immédiatement. Aussi en ce jour de réveillon, alors que je redoutais sa réaction, nous avions monté les escaliers en nous soutenant l’un l’autre lors de nos pertes d’équilibre. Dans le noir, il avait fallu chercher la poignée de porte à tâtons, puis trouver le lit, car nous voulions rester invisibles à nous-même et au reste du monde. Enfin arrivés sous le gros édredon de plume, elle m’avait avoué qu’elle attendait depuis longtemps ce moment. Maintenant elle était assoupie dans mes bras et je crus bien qu’un miracle avait eu lieu.

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