Je m'assoie face au soleil.
D'abord, un rayon a frappé le carreau de la cuisine.
Bientôt, il a inondé toute la maison.
Une invitation.
D'une maison à l'autre, d'un jardin à l'autre, d'une terrasse à l'autre, d'une année à l'autre, les mêmes sensations reviennent :
sentir une tiède caresse sur le visage,
laisser voguer ses pensées sans contraintes,
n'entendre que le bruissement des arbres,
humer les premières odeurs du printemps,
profiter des premiers moments de chaleur.
Tout autour semble suspendu.
D'ici, j'entends à nouveau les enfants du quartier, les miens, ceux de la maison d'en haut, face à moi, et ceux de celle d'à côté.
Ils poussent des hurlements de joie.
Ils doivent courir dans tous les sens sur la pelouse de la maison voisine.
Au milieu d'eux, il y a Mathilde qui règne, imposante, sur la petite meute turbulente.
Pas vraiment féminine, la maman d'à côté, grande et forte, toujours en jeans malgré une quarantaine bien tassée et un métier à forte responsabilité.
Je l'imagine lorsqu'elle ébouriffe d'une main sa courte tignasse auburn, roule des yeux malicieux, puis se retourne vivement pour entonner d'une voix forte une ritournelle.
Elle a du inventer un jeu nouveau puisqu'ils poussent des cris joyeux et rient en se bousculant les uns les autres.
L'orange de son ample T-shirt clignote entre les haies qui nous séparent lorsqu'elle fonce, un gamin sur les épaules, suivie de six ou sept autres. Puis cette touche vive éclate sur l'étendue verte au milieu des tâches multicolores des T-shirts d'enfants quand elle s'affale dans l'herbe et s'y roule avec eux, à grands cris.
Mathilde aime follement les enfants et les enfants, tous, adorent Mathilde.