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  • Photo du rédacteurCMT

Atlan, Quignard, Reinhardt

La carte postale. 2/02/20

1. A l’angle de la rue Joseph de Maistre et de la rue Caulaincourt, un élégant pont métallique invite à poursuivre la descente de la Butte. Des parapets en croisillon le bordent et offrent la possibilité de s’y accrocher.

Le vertige peut saisir le chaland qui se penche lorsque son regard se porte sur le foisonnement d’arbres et de taillis. Erables, marronniers, tilleuls exhibent leurs cimes qui prétendent s’aligner à hauteur de Pont.

L’œil exercé transperce toute cette verdure et s’arrête sur des statues à la base moussue mais régénérées par l’eau de pluie abondante qui ruisselle sans cesse sur leurs bustes altiers. Le regard fouille et refouille et devine l’alignement de stèles plus ou moins larges, plus ou moins encombrées de fleurs ou d’inscriptions.

A mi-pont, à gauche, on soupçonne l’entrée de la rue Rachel et l’on ignore le petit triangle couvert d’ anciennes tombes. On traverse et à droite les yeux parcourent les nombreuses allées dédiées à des personnages illustres qui pourraient à leur tour applaudir certains occupants ensevelis dans la tombe d’à côté.

L’endroit est si paisible, loin des tumultes touristiques de la place du Tertre ou des abords du Sacré-Coeur ; l’agitation des vivants n’atteint pas le cimetière Montmartre qui se cache comme s’il avait des reproches à se faire.

2. Ca m’dégoûte… 2/02/20

« J’aime, j’aime pas »… les évènements, la nature humaine, les choses de la vie obligent souvent

son esprit à se déterminer.

« J’aime, j’aime pas »… elle s’en veut d’être aussi catégorique et pressent que des sentiments plus nuancés l’aideraient davantage à construire sa personnalité.

Elle perçoit en elle des contradictions qu’elle analyse mal : vagues d’écœurement qui prétendent l’emporter, elle, dans l’abîme de détresse que vit une grande part de l’humanité.

Elle ne peut pas, elle ne peut plus ignorer les malheurs des hommes et ne peut être heureuse seule dans son coin. Elle vit les chaos du monde comme une souffrance personnelle… Elle est dégoûtée.

Pourtant elle s’accorde ce droit au dégoût lorsqu’il s’agit de répulsions du quotidien :

C’est le métro qu’elle fréquente chaque jour qui alimente instinctivement ce qu’elle appelle ses petits dégoûts :

L’odeur indéfinissable des corps amassés qui se frottent volontairement ou pas ; les haleines fortes

de certains qui ouvrent la bouche pour exprimer des platitudes ; la jeune fille trop maquillée ignorant la femme enceinte debout qui soulève et soulage une jambe puis l’autre, espérant éviter les vergetures ; le creux de l’oreille luisante de gras de la maigrichonne qui se croit belle parce qu’attifée à la mode ; le menton du jeune garçon dont le bouton acnéique semble vouloir gicler sur elle ; les yeux délavés et froids de l’ homme qu’elle suppose pervers ; le spectacle odieux d’un gros « ver » exhibé et aplati sur la vitre de la rame d’en face ; pour finir l’éternelle flaque de vomi que l’on évite de justesse à la station ou dans les couloirs interminables.

Mais ces images imposées contre son gré, contre son nez, contre sa vue, ne sont rien au regard d’une émotion encore plus violente qui l’assaille le soir, devant le journal télévisé et qui présente sans cesse les mêmes gens cyniques, grossiers, cupides, tyranniques qui prétendent mener le monde

et le tirent sans cesse vers un moyen âge révolu.

Elle peut à peine fixer ces gens, elle détourne le regard : ils sont si laids et portent sur eux leur ignorance des autres, leur misogynie, leur racisme... leur égo, leur appât du gain et d’une toute puissance les ont menés vers un pouvoir malsain qui les rend inhumains. Ils ne parlent que marché, économie, guerre, agression…

Elle pense qu’elle va se souiller à trop les écouter, trop les regarder.

Ils méritent son mépris mais n’en n’ont que faire… il lui reste sa colère.

Elle est de plus en plus dégoûtée, vraiment…

3. Le Bedeau de St Eustache

Une annonce envahit l’espace confiné de la rame :

« Un incident est survenu à la station Châtelet, qui est momentanément fermée ; nous conseillons aux voyageurs de modifier leur itinéraire ».

Gus descend à St Michel, en bousculant ses éphémères compagnons de voyage : il décide qu’il poursuivra à pied et c’est d’un pas dynamique qu’il entreprend la montée à l’air libre ; le soleil brille, les touristes baguenaudent autour de la fontaine, lui, il est pressé, pressé, pressé.

Il glisse son missel dans la poche de son pardessus trop chaud en ce printemps précoce. Les pans arrières lui battent les jambes et l’handicapent dans sa course effrénée.

Il tourne à gauche, longe le quai des Grands Augustins, traverse le Pont Neuf, emprunte la rue de l’Arbre sec, lui est en nage, croise les rues St Honoré et Berger : il traverse les passages cloutés sans regarder la couleur du feu ; il essuie quelques vindicatives menaçantes, voire grossières… il s’en moque, lui son berger est bientôt en vue… il atterrit place René Cassin : il est en eaux… il grimpe vers l’esplanade, vers son église, son apostolat, son dieu, vers chez lui.

Il est trempé comme lors de son récent baptême… et si essoufflé, son cœur battant anormalement : il n’y prend garde, ramasse son livre de dieu qui s’échappe de sa poche, n’a aucun regard envers l’homme qui est couché à terre et gêne ses pas qui le mènent chez lui, à la sacristie ; sa toge noire l’attend ; il la passe difficilement sur sa chemise imbibée de sueur.

Le prêtre qui officie réclame l’aide du bedeau :

« J’arrive, j’arrive, mon père » dit Gus haletant.

Aujourd’hui il a gagné son auréole, lui, l’ancien « fort des Halles », le bedeau de St Eustache.


Idée qui prédomine aujourd’hui : « une façon de devenir vertueux »


Claudine Duval

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