Elle est comme une fée qui frétille avec le vent, quand la brise se lève et soulève ses cheveux, l’empêchant quelquefois de voir ce qui se présente devant elle. Chaque fois qu’elle prend sa bicyclette, elle le ressent. Elle a oublié comme à chaque fois d’attacher ses cheveux et elle roule, sans le casque, mais au diable le règlement!! Celui qui a obligé le port d’une telle chose sur la tête n’a jamais dû ressentir le souffle du divin sur son visage jusqu’au bout de la moindre mèche!!! Même l’hiver, quand la température descend, le mistral froid vient refroidir ses joues et elle se sent vivre malgré tout.
Debout sur les pédales, elle monte la pente qui l’amènera tout là-haut chez le Père François. Mais avant d’y arriver, telle le petit chaperon rouge, elle devra traverser la forêt. Elle y pense à chaque fois, imaginant surgir le loup de derrière un sapin, toutes griffes dehors et le sourire carnassier prêt à la dévorer. Alors elle chante à tue-tête, des chansons de son enfance « qui a peur du grand méchant loup, c’est pas nous!! ».
Mais aujourd’hui, le loup n’a pas décidé de lui couper la route! Elle entend au loin la cascade de la clairière, elle imagine aussi les petits lapins jouant avec les oiseaux... Bah, il faudrait peut-être qu’elle cesse d’imaginer toutes ces histoires pour enfants mais quelque part, elle n’a pas envie de grandir. Et finalement, c’est cette petite touche de l’enfance qui lui reste, qui lui permet de ramener du bonheur chez toutes ces vieilles personnes dont elle s’occupe. Elle le voit bien que la magie les a quittés depuis longtemps... Leurs yeux sont éteints, leurs visages sont ternes, mais lorsqu’elle arrive, qu’elle entre dans le hall, le nez rouge à cause du vent d’hiver, la fraîcheur qui passe le pas de la porte n’est pas seulement celle des frimas du mois de janvier.