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  • Photo du rédacteurCMT

Pérec, Sarraute, Ernaux

Dernière mise à jour : 25 mars 2020

1- Une jeune fille blonde comme les blés traverse le parvis d’un pas incertain ; elle semble chercher quelqu’un et remonte un chignon torsadé qui s’écroule sur le col de son trench.

Sous le porche, un homme à terre resserre autour de lui une couverture aux couleurs indéfinissables. Du fatras placé à ses côtés, il extirpe difficilement une bouteille… vide.

Au bout de l’esplanade, surgit un jeune homme qui lui aussi fouille l’endroit d’un regard impatient.

Son costume 3 pièces est élégant. Il jette sa tête en arrière, la pivote de droite, de gauche, comme s’il voulait offrir à chacun son meilleur profil.

Sur la rue avoisinante un taxi s’arrête ; une femme vêtue de noir en descend avec prestance suivi par une fillette, très absorbée promenant une langue gourmande sur une grande sucette colorée.

Une silhouette débouche sur la place : c’est un homme à la chevelure argenté qui courre comme un dératé et stoppe brusquement pour ramasser le livre qui s’est échappé de la poche béante de son pardessus.

2- Silhouette… je te plumerai…

C’est en fouillant dans mes poches, à la recherche de monnaie, que je m’approche de lui, craignant déjà l’odeur qui va assaillir mes narines délicates.

L’homme gisant examine la bouteille et la jette plus loin ; elle roule et ne casse pas malgré la violence du geste. Son air est furibard et son regard se porte sur moi avec avidité.

Des yeux impressionnants mangent un visage sale et raviné et racontent des patries lointaines et des territoires immenses traversés par des vents contraires. Ce sont des fenêtres... les baies de son âme.

J’imagine que celle-ci est vertueuse : cet indigent a du connaître une prospérité liée à un rang élevé dans une société en voie de disparition. Il s’est laissé enfermer par cette gloire jusqu’à connaître un revers fatal.

Mon imagination est débordante et je vois encore dans l’ homme à terre un humain qui a conservé une part de dignité.

« Il est debout, et porte une coupe de champagne à ses lèvres exsangues qui s’étirent en un sourire narquois. De longs cheveux bruns caressent le col châle de sa veste de smoking ; un nœud papillon couleur rouille ferme une chemise ivoire. Il est grand, il est beau… il le sait et son sourire devient gourmand et carnassier. Il examine la gente féminine qui l’entoure : il va choisir sa proie du soir.

Soudain son regard se fixe sur une blonde jeune femme à la chevelure tressée... »

Est-ce cette femme qui se penche et dépose une pièce retentissante dans la gamelle vide ?

« merci ma petite dame »…

Je m’approche encore… pouah, quelle odeur !!!

Désirs de rencontre

Il répond vaguement, toujours souriant, à ses admiratrices toutes plus charmantes les unes que les autres ; mais son regard bifurque toujours vers celle qu’il imagine princesse ou sirène tant son allure est altière et distinguée. Par leur flamboyance ses cheveux blonds zébrés de roux contredisent un visage lointain presque froid.

Alors il est happé par cette chevelure, il y pénètre, ôtant une à une les pinces qui emprisonnent les nattes, déroule chaque torsade étalant et peignant avec ses doigts la magnifique parure dans laquelle il enfouira son visage.

C’est celle-là ; il en est sûr. Ce sera elle la femme de sa vie, celle qu’il attend depuis fort longtemps et les brouillons d’échange avec celles d’hier s’effaceront pour laisser la place au véritable amour.

Son expérience de Dom Juan lui a appris que l’une des armes de la séduction est surtout l’intérêt et l’écoute de la femme convoitée… il imagine que les basses flatteries ne fonctionneront pas avec celle-là. Alors il déploiera tous ses trésors de patience et de compréhension, deviendra son amour complice, unique et leurs corps s’épouseront harmonieusement ravis des secrets échangés et des loyautés promises.

Il désire plus que tout vivre un amour serein dans une plénitude sans cesse renouvelée.

Ce sentiment est si nouveau pour lui ; il lui faut la rencontrer…

S’excusant poliment, il fend la foule et se dirige vers la belle inconnue.

Silhouette je te replumerai.

C’est au bras de son frère accablé, qu’Irina quitte l’église avant la fin de la cérémonie : ses jambes vacillent, sa respiration est saccadée, des papillons s’agitent dans ses entrailles et accroissent son malaise… elle allait exprimer sa peine en rendant au bon dieu son dernier repas.

Quelle médiocrité qui ne fait pas honneur à celui qui gît là bas dans le cercueil recouvert de fleurs. Assis, debout, assis, debout… une foule disciplinée se recueille et les larmes coulent sur chaque visage. Le monde des arts est en deuil.

Irina vient de perdre un job d’assistante certes, mais surtout un ami. Jamais elle ne s’en remettra, jamais elle ne l’oubliera, elle s’en fait le serment.


Claudine DUVAL

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