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Des prairies et des hommes


Tout y était vert jusqu'à ce que l'enfilade des pâturages ne bute sur l'infini de l'océan. Des haies d'arbres vertes aussi, mais d'un vert plus foncé, rompaient la monotonie du paysage et dessinaient des formes géométriques que des murets de pierre soulignaient de gris.

La vie chantait là comme dans un poème de Rimbaud, un chant simple où berçaient des accents de pauvreté. L'homme avait laissé sa trace sur toute la région dont les terres fertiles lui avaient fait bon accueil. Des villages, des fermes, des hameaux pointillaient ce décor et parachevaient son charme. Richard Turner venait d'arriver dans le paradis sur terre.

Ces paysages, d'une beauté à couper le souffle, le contrariaient quelque peu. Il faudrait bien entreprendre certains travaux s'il voulait que cette nature généreuse lui rapporte suffisamment d'argent, car de l'argent, il en devait énormément à ses lointains parents qui lui en avaient prêté. Ces beaux murets qui entouraient le village des sauvages, allaient disparaître. Il y avait aussi trop d'arbres dont l'ombre menaçait ses plantations.

La nature, si belle soit-elle, devra se soumettre à l'homme, c'est écrit dans la Bilble. Et la Bible, Turner la connait bien puisque c'est son livre de chevet. Alors, les hommes noirs et cette nature qui les protège et les nourrit, il n'y prête aucune attention. Son projet est plus important que tout autre chose.

Richard Turner, au milieu de ces terres jusque là inconnues de lui, se sentait des envies de revanche.

A 30 ans, il avait accumulé nombre d'échecs et, il le savait, avait fort déçu ses parents qui, eux avaient su faire fortune. C'était une famille d'explorateurs avec cette faim de toujours découvrir de nouvelles contrées sur lesquelles ils bâtissaient ce qui devenait un empire. Mais lui, il ne semblait pas destiné à cela et surtout, il n'en éprouvait aucun goût.

Pourtant, cette fois, il fallait qu'il prouve qu'il serait celui qui allait faire fortune. Cela lui semblait facile avec tous ces noirs désœuvrés et qu'il allait utiliser pour exploiter la terre et construire.

Son père, dès sa plus tendre enfance, l'avait nourri de récits relatant des expéditions toujours plus lointaines. Il essayait de faire sienne cette ambition à vouloir soumettre ces régions jusqu'alors inexploitées. Mais son père avait tout simplement oublié de lui transmettre le savoir de ses ancêtres qui avaient accumulé au cours des diverses générations, les expériences de l'exploitation de la terre. Ce n'était pas avec ces foutus "sauvages" qu'il allait apprendre quoi que ce soit.

Richard Turner, ce fermier qui rêvait de réussir dans la vie au même titre que l'avait fait ses parents, était maintenant assez fier de lui et de sa réussite. Il avait quitté Londres et ses brouillards pour venir s'enrichir au milieu de ce désert qui lui avait paru un peu angoissant à son arrivée. Sa femme, Mary, ravissante anglaise au teint de porcelaine, avait fini par apprivoiser le soleil africain et affichait désormais un hâle des plus flatteurs. Leurs enfants, au nombre de six, s'étaient éparpillés de par le monde dans les plus grandes universités. Leurs domestiques, à l'exception d'un seul, étaient sous contrôle et s'avéraient être très obéissants, tous sauf un seul, le grand, le gigantesque Ursule qui avait la mauvaise habitude d'épier sa maîtresse caché derrière la haie pendant que celle-ci prenait son bain de soleil quotidien. Ce comportement déplaisait à Mr Turner, mais, dans la mesure où Ursule exécutait bien toutes ses tâches, il préférait fermer les yeux.

Mais un jour, voici ce qu'on put lire dans le journal local : " Mary Turner, épouse de Richard turner, fermier à Ngessi, a été trouvée assassinée hier matin dans la véranda sur le devant de la maison. Le domestique, qui a été arrêté, avoue être l'auteur du crime dont les mobiles n'ont pas été découverts. On présume que le meurtrier a agi poussé par la cupidité."

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